Chronique bibliographique

Töpffer, précurseur du cinéma… selon Le Corbusier

1er mai 2024

En 1921, le numéro 11-12 de la revue L'Esprit Nouveau contenait un article richement illustré de planches tirées des histoires en estampes de Rodolphe Töpffer dans lequel, Le Corbusier, signant sous le pseudonyme de " De Fayet ", le présentait comme un précurseur du cinéma. 

L'article s'intitulait précisément : « TOEPFFER, précurseur du cinéma » (lire ci-dessous).

Il est écrit en effet dans cet article qui fit date : « La manière dont il (Töpffer) a agencé son dessin et les légendes constitue un véritable film. Les vignettes se succèdent comme les feuillets des petits cinés en carnet qu’on effeuillait il y a vingt ans. Mais son invention cinégraphique véritable, c’est sa conception de l’intrigue. » 

Le Corbusier relève aussi le talent exceptionnel de dessinateur de Töpffer dont il se serait inspiré : « Quand je suis au cinéma ou je me désespère, je songe à Töpffer. Son dessin, du reste, était exquis, exceptionnel. » 

Si cet article est connu des spécialistes de la bande dessinée ou de l’architecture, ce qui l’est moins c’est la réelle influence qu’aurait eue Töpffer sur Charles-Édouard Jeanneret-Gris. 

Luis Lus-Arana rappelle cet article de l’Esprit Nouveau dans une intervention très intéressante faite dans le cadre du congrès international « Le Corbusier, 50 years later » qui s’est tenu à Valence en novembre 2015. Il démontre que l’article « dévoile une relation plus profonde entre Jeanneret et l'œuvre de Töpffer, qui remonte à son enfance et qui jouera un rôle clé dans le développement de certaines des obsessions caractéristiques de Le Corbusier : le voyage, le dessin et les récits cinématographiques ». 

Dans ce contexte, son article qui reprend l’intervention faite au congrès, « La Ligne Claire de Le Corbusier » propose « un examen approfondi de la présence de la narration graphique et de son esthétique dans les premières œuvres de Le Corbusier ». L'article explore des thèmes tels que la narration et « l'inclusion du temps dans les peintures puristes de Le Corbusier, ou son évolution d'une approche picturale du dessin vers un style de rendu idéalisé, linéaire et synthétique ». 

Nous vous invitons à lire cet article de Luis Lus-Arana disponible en ligne et télécharger le texte complet en PDF, richement illustré.

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A noter que cette période correspond à un regain d'intérêt pour Töpffer en France. En effet, c'est en 1922 et 1923 que paraissent les dernières rééditions chez Garnier de ses histoires en estampes, imprimées par Dufrénoy. Ces rééditions publiées dès 1860 par l'éditeur parisien avaient été redessinées par François Töpffer, le fils de l'auteur et autographiées dans un format légèrement plus grand que celui des éditions originales des années 1830 et 1840.
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Concernant Töpffer et le cinéma, nous rappelons qu’en cette même année 1921, sortait le dessin animé de Lortac et Cavé : Histoire de Mr Vieux Bois, réalisé en 3 épisodes qui furent projetés à Genève durant une dizaine d’année. 

Un excellent article de Roland Cosandey de décembre 2009 rappelle sa genèse : « Töpffer, Lortac et Cavé, Histoire de Monsieur Vieux Bois - en trois tableaux ».   

Ce même Roland Cosandey était déjà intervenu en 2004 dans le n° 34 du Bulletin de la Société d’Etudes Töpfferiennes concernant ce film mais aussi l’influence de Töpffer avec un article : « Monsieur Vieux Bois et le cinéma : trois documents ». 

Dans cet article il revient notamment sur une citation prémonitoire de Jean Choux de 1920 : 

« Il est une chose qu’on ignore que personne n’a jamais dite, c’est que le précurseur, l’homme de génie qui, près d’un siècle avant tous les grands « scénaristes » ou metteurs en scène français ou américains, inventa et mis au point la formule du cinéma est un citoyen genevois. Ce genevois s’appelait Rodolphe Töpffer. Il a écrit et illustré une série de scénarios tels que jamais peut-être on n’en verra de meilleurs, de mieux combinés, de plus adéquats à la technique et aux ressources de l’écran. Ces délicieuses fantaisies… sont des films où rien ne manque, où il n’y a pas un geste, pas une scène, pas un mot à retrancher ou à ajouter. Il n’y a plus qu’à tourner ».

Töpffer, précurseur du cinéma

1er mai 2024

De Fayet (Le Corbusier), «Töpffer, précurseur du cinéma », Paris, l’Esprit nouveau, n°11-12, 1921, pp. 1336-1345.

Le texte en page 1337, des planches extraites de l'Histoire du Dr Festus et de l'Histoire de M. Pencil sur les autres pages (3 bandes par page).
Coll. part.

Le Corbusier ne semblait pas avoir des sources très précises à l'époque sur la manière dont Goethe pu découvrir certains des albums manuscrits des Voyages et des histoires en estampes de Töpffer et de quelle manière, grâce à ses commentaires enthousiastes, Töpffer fut convaincu de les publier.


Töpffer et le Japon

16 avril 2024
Une monographie sur Töpffer en japonais

Un récent voyage au Japon du comité de l’association nous a permis de nous pencher sur l'intérêt porté à Töpffer par de nombreux japonais, notamment des spécialistes du Manga.

Nous connaissions déjà le travail très important de Minoru Sasaki pour la promotion de Rodolphe Töpffer au Japon. En particulier sa traduction de l'Histoire de Monsieur Vieux Bois dans une réédition de la seconde édition originale augmentée de 1839, parue en 2008 aux éditions Office Heliar (voir les deux images ci-dessous).

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Naoko Morita, de son côté, avait rédigé un article en 2015 sur la découverte de Töpffer au Japon. Article disponible sur le site de la Cité internationale de la BD et de l'image:

La découverte de Töpffer au Japon

Elle avait collaboré précédemment avec Minoru Sasaki à la publication en japonais en 2013 de l'Essai de physiognomonie.

En 2019, elle publie un ouvrage en japonais qui constitue la première grande monographie sur Rodolphe Töpffer au Japon et la dernière publication d'importance en japonais à notre connaissance: Sutorii manga no chichi – Tepuferu. Warai to monogatari wo hakobu media no genten [Töpffer, le « père de la bande dessinée ». Origines et principes d’un médium porteur de rire et d’histoires].

Source: Marianne Simon-Oikawa (2019, 30 mars). CEEI.
Consulté le 16 avril 2024, à l’adresse https://doi.org/10.58079/mhvc

Töpffer et le Japon (suite)

16 avril 2024
La plus ancienne bande dessinée, un ouvrage japonais de 1775?

Un article paru il y a quelques années sur le site de Catawiki présentait les cinq plus anciennes bandes dessinées au monde et avançait que la plus ancienne ne serait pas l'Histoire de M. Vieux Bois de Rodolphe Töpffer, conçue en 1827 ou l'Histoire de M. Jabot publiée en 1833 mais serait une création japonaise de 1775, Le rêve magnifique du maître Kinkin de  Koikawa Harumachi.

En fait, cette histoire d’Harumachi fut le premier ouvrage d’une longue série de Kibyoshi, littéralement « couverture jaune », terme qui désigne un genre de livres japonais illustrés appartenant à la littérature illustrée Kusazōshi qui couvre divers genres de littérature illustrée imprimée grâce au procédé de gravure sur bois, populaire pendant la période japonaise d'Edo (1600-1868) et le début de la période Meiji. Ces œuvres ont été publiées dans la ville d'Edo (Tokyo).

Lors de discussions avec plusieurs spécialistes ces dernières années, nous avions échangé sur ces histoires en images japonaises, ces Kibyoshi,  et sur ce qui pouvait être vu comme des phylactères, à l'image de l'exemple ci-contre tiré de l'histoire d'Harumachi (rarissime exemplaire consultable librement sur le site internet de la Bibliothèque nationale de la Diète /Bibliothèque nationale du Japon: National Diet Library collections). 
Pour les spécialistes, ces "bulles" n'ont pas la même fonction que celles utilisées dans la bande dessinée européenne ou les Comics  américains. Ce qui y est écrit n'est pas un "dialogue"  mais plutôt un épisode d'une autre scène ou une histoire dont on se souvient. Pour un libraire spécialisé consulté à Kyoto, certaines de ces histoires pourraient avoir été conçues comme scénarios de pièces de théâtre et utilisées par les acteurs.

A suivre...


Töpffer et le Japon (suite)

16 avril 2024 
Mise à jour le 14 mai 2024   

On nous signale un autre ouvrage intéressant partageant certaines des caractéristiques de celui de Koikawa Harumachi. Il s'agit d'un ouvrage plus récent attribué à Kitao Masayoshi, daté de 1789. Son titre est à l'étude.
 
Kitao Masayoshi est un artiste japonais, peintre et dessinateur spécialiste de l'Ukiyo-e. Né à Edo en 1764, il a pour maître Kitao Shigemasa. Il est également connu sous le nom de Kuwagata Keisai, nom qu'il prend vers 1790 au moment de lancer le genre ryakugashiki. Selon lui, le but de ses dessins "n'est pas de représenter des formes mais l'esprit de ce qu'elles représentent. [...] Je ne cherche pas à embellir les formes mais plutôt à les simplifier. J'ai donc pensé à la "méthode du dessin abrégé".  
Il meurt en 1824. A noter que ses contemporains auront remarqué que Hokusai s'était inspiré de Keisai pour ses mangas.

Image d'illustration: collection particulière.  

L'ouvrage est disponible et consultable librement également sur le site internet de la Bibliothèque nationale de la Diète / Bibliothèque nationale du Japon: National Diet Library Collections.
Lire aussi: 

Masayoshi Kitao, Le maître du dessin abrégé: tous les albums de style ryakuga, Hazan Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 2013.  

« A partir de 1796, Kitao Masayoshi (1764-1824), qui vient de prendre le nom de Kuwagata Keisai, publie une série d'albums au style cursif et minimaliste et au dessin virtuose et suggestif, appelés ryakuga ou style de dessins abrégés, qui rencontrèrent beaucoup de succès ».   

Reproduction des six albums (chacun consacré à un thème) en cinq volumes avec préfaces et commentaires sur le livret.

Préfacier et commentateur de texte : Matthi Forrer.
Traducteur : Dominique Coupé.
Éditeur scientifique (ou intellectuel): Nathalie Vandeperre .



Töpfferiana

23 février 2024
Voyage en Egypte du Comte de Puffberg...
BGE JDC 4640

La récente transmission à la Bibliothèque de Genève d'une importante collection d'albums de Töpffer et de ses principaux continuateurs a recelé quelques trésors dont des albums non identifiés à ce jour à notre connaissance.

C'est le cas du Voyage en Egypte du comte de Puffberg, orientaliste allemand et chevalier de plusieurs légions fort honorables; membre correspondant de sa famille.., &... &. La seconde édition sera revue avec soin et sans nul doute fort augmentée, slnd (c. 1850).

L'auteur de cet album directement inspiré par Rodolphe Töpffer reste anonyme mais il signe l'album des initiales H.d.L. La plupart des pages comportent d'autre part le monogramme HdL surmonté d'une couronne.

L'album broché oblong (14 x 27 cm, 25 ff.) n'est pas daté mais Félicien David (1810-1876) est mentionné (page 13) ainsi que Champollion (pages 10-12).

L'album mentionnant le compositeur Félicien David, on peut supposer qu'il n'a pas été publié avant 1844, date à laquelle le compositeur exécuta au Conservatoire dans la salle du Théâtre-italien son ode-symphonie Le Désert qui contribua à établir sa renommée et qu’il avait écrite en souvenir de son voyage en Egypte douze ans auparavant (source: Wikipédia.org ).


Nos lecteurs pourront peut-être nous éclairer sur ce comte de Puffberg et sur le mystérieux H.d.L.

A suivre...

Voyage en Egypte du Comte de Puffberg...

Découvrez quelques images de cet album...

TOPFFER MODERNE
Récit de A. Frague
Soirées de projections de la F.M.G

23 février 2024
On nous signale l'existence de cette affiche lithographiée de 1934 pour des soirées de projections de la F.M.G, imprimée par ATAR. 
Format 100 x 68 cm.
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27 février 2024
> Ndlr: la Bibliothèque de Genève en conserve un exemplaire (BGE Ca242).
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Découverte de la source de Lavey en 1831 par M. Ravy
Maître je brûle!

23 février 2024
On nous signale l'existence cette lithographie d'après Rodolphe Töpffer imprimée par Sonor dans les années 1920.
Format 89 x 75 cm.
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27 février 2024
> Ndlr: la Bibliothèque de Genève en conserve un exemplaire (BGE Ca181).
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